Je suis régulièrement sollicité par des étudiants qui s'intéressent au monde agricole et viticole. Le projet du domaine attise leur curiosité et j'en suis très honoré. Malgré que mes journées soient chargées, j'essaie toujours de trouver un moment pour leur répondre et échanger avec eux. C'est important pour moi.

Luisa Caldas, étudiante en Master à l'université de Saint-Andrews (la troisième plus ancienne université du monde anglophone après celles d'Oxford et de Cambridge), m'a contacté début juin pour répondre à ses questions en vue de son Mémoire. Sa recherche a pour but d'étudier les attitudes des viticulteurs à l'égard de l'innovation. Bonne lecture :)

D'après votre expérience dans le secteur jusqu'à présent, quel a été, selon vous, le développement le plus innovant dans le secteur vitivinicole ?

Le développement le plus innovant est selon moi le travail de classification des Climats de Bourgogne par les moines cisterciens. Depuis, il n'y a pas eu d'innovation plus puissante.

Selon vous, en quoi consiste l'innovation dans l'industrie du vin ?

Je préfère investir dans l'AI (agriculture intelligente) plutôt que dans l'IA (intelligence artificielle). Innover c'est aussi savoir revenir en arrière et s'intéresser à l'histoire de l'agriculture.

L'agriculture a nourri les hommes pendant 8000 ans sans détruire la planète. Depuis son industrialisation, nous avons grandement mis à mal les sols à force d'innovation pas durable.

Retrouver du bon sens paysan me semble une innovation intéressante. Face au désastre écologique actuel, le seul objectif que nous devons tous avoir en tête est de rendre la planète meilleure pour nos enfants.

Comment partagez-vous l'histoire de votre domaine avec vos clients ?

Nous la partageons en recevant nos clients au Cellier à Pommard ou au Château à Mimande. Chaque dégustation est réalisée après une immersion dans l’univers Armand Heitz. Nous présentons l'histoire, la philosophie et les valeurs que nous défendons.

Il est important que nos clients comprennent que nos pratiques agricoles permettent de garder nos sols fertiles et produire de manière durable.

Pourquoi pensez-vous que l'histoire de votre domaine est importante pour les personnes qui apprécient votre vin ?

L’industrialisation agricole est selon moi responsable de nombreux maux dont nous souffrons actuellement. La diversification et la création de synergies entre les activités comme le faisaient nos grands-parents est la clé d’une agriculture vertueuse. 

Connaissez-vous des domaines viticoles qui élèvent des vaches, des moutons et qui cultivent du maïs, du blé, de l’orge et du colza ?
Connaissez-vous un domaine qui vend sa viande à des chefs étoilés ?
Connaissez-vous un domaine qui utilise les céréales qu’il produit pour faire sa bière ou sa farine ?
Connaissez-vous un domaine qui enherbe ses vignes avec des radis, de la luzerne, des pois, des graminées ou du chanvre ?
Connaissez-vous un domaine qui possède plus de 10 ruches et qui fait son miel ?

Notre démarche unique et innovante intrigue beaucoup de personnes. Nos clients sont très sensibles à cet aspect.

Pourquoi pensez-vous que les domaines viticoles ont recours au marketing ?

C'est devenu une obligation de nos jours, nous vivons dans une époque où la communication est omniprésente.

Il y a le savoir-faire et le faire savoir. Sans faire savoir, le meilleur des savoir-faire n’aura que très peu de chance d’être mis en avant. Seuls certains peuvent s'en passer, mais c'est d'ailleurs une stratégie marketing en soi.

Au domaine je milite pour un marketing vertueux. Un marketing qui va créer une valeur durable.

Pourquoi pensez-vous que les gens sont obsédés par la Bourgogne ?

La Bourgogne possède un patrimoine viticole envié dans le monde entier. C'est le fruit d'un travail méticuleux et incroyable.

Le vignoble a été façonné au fil des siècles par les Ducs de Bourgogne, par les moines et par les vignerons. Une bouteille de Bourgogne, c'est un morceau de patrimoine français.

Grâce à ce patrimoine, la Bourgogne possède domaines et vins les plus prisés du monde. Cet attrait, cette rareté vont de paire avec des prix élevés. Certains ne vont se focaliser que sur l'appât du gain et la spéculation. Pour ma part, je préfère mettre en avant l’histoire, le patrimoine et la création de valeur durable.

 

Questions de Luisa Caldas pour son mémoire de maîtrise à l'université de St Andrews