Le croisement des races salers et charolaise
Publié par Armand Heitz leNotre travail est d’accompagner la nature et non de lutter contre elle. C’est notre philosophie dans les vignes, à Loaris, notre jardin en permaculture, mais également à la ferme. Notre cheptel est composé de charolaises et de salers, ainsi que de croisement des deux. Les croisements sont importants et représentent le modèle d’élevage que nous souhaitons développer.
Chaque race a sa singularité, ses caractéristiques, et les croisements ne vont pas à l’encontre de la nature, bien au contraire. L’agriculture a évolué depuis plusieurs décennies en isolant chaque race pour faire ressortir des spécificités comme la qualité bouchère ou le fort rendement laitier. Mais également pour répondre au modèle agricole moderne et au marché. Le marketing a joué son rôle, et on peut aisément faire la comparaison avec les cépages du côté des vignes.
Races pures, charolaise et salers
Présente depuis plusieurs siècles en Bourgogne, la charolaise est connue pour ses qualités bouchères. Elle possède un volume musculaire très important et sa tendreté jouit d’une reconnaissance mondiale. Elle est le fruit d’une sélection de plusieurs décennies. Sa grande aptitude maternelle s’accompagne malheureusement d’une difficulté de vêlage. Elle nécessite une surveillance voire une assistance importante. La sélection de certains critères se fait toujours au détriment d’autres. La charolaise a perdu en facilité de vêlage et en rusticité pour gagner en qualité gustative et un important volume de croissance.
La salers est quant à elle une race qui a gardé sa rusticité. C’est une des seules races qui peut être à la fois laitière et allaitante. Son côté rustique va produire une viande persillée et marquée en goût. C’est une race à la fécondité renforcée et, à l’inverse de la charolaise, la salers n’a pas besoin d’être assistée lors du vêlage. Son bassin large et incliné lui permet d’être autonome lors de l’arrivée des veaux. Il faut noter aussi que les nouveau-nés sont plus petits que les charolais.
Le travail des pures races est intéressant car il permet des viandes distinguées appréciées par bon nombre de connaisseurs. Cependant, cela peut aller trop loin chez certains puristes, revendiquant 5 ou 6 générations de la même race avant de la considérer comme « pure ». Il ne faut jamais oublier que l’obsession de la race pure va conduire à un taux de “consanguinité” de plus en plus important. La génétique possède le même fonctionnement chez tout être vivant. Cela va donc forcément engendrer un affaiblissement de ses résistances naturelles.
Le croisement
Le principe du croisement est de rassembler les points forts de chaque race. Il va permettre d’atténuer voire améliorer les points faibles tout en perfectionnant les qualités des deux races. Généralement, on constate chez les bovins croisés un meilleur taux de prolificité, des vêlages plus faciles ou encore une meilleure croissance et une meilleure précocité. Attention quand même, trop de croisement tue le croisement. Il ne faut pas croiser des bovins déjà croisés car cela pourrait bouleverser la génétique. Il est préférable d’effectuer les croisements seulement sur une génération.
La rencontre de la charolaise et de la salers va s'avérer bénéfique sur plusieurs points. Pour commencer, une augmentation du volume de croissance avec un Gain Moyen Quotidien supérieur à des pures races. Un très bon niveau de précocité également. La facilité de vêlage des salers va venir compenser la difficulté des charolaises et les naissances se font dans de meilleures conditions. Tous ces aspects ne sont pas négligeables pour l'éleveur, pour le bien-être animal, et cela impacte également la dégustation. En les croisant, nous arrivons à jumeler le caractère de chacune des races. Le persillé et la puissance de la viande salers se mêlent au volume et à la tendreté de la charolaise. La viande produite est d’une qualité rare et correspond à l’évolution naturelle des choses.
Nous pouvons nous inspirer de la viande irlandaise. La qualité de leur viande est reconnue dans le monde entier, et ils n’hésitent pas à s’autoriser des croisements. Les races ne sont pas forcément mises en avant. Il y a certes le très réputé bœuf Irish Angus, rappelons toutefois qu’il est le fruit d’un croisement entre la vache celtique et le taureau importé d’Écosse par les Normands.
Notre première caissette avec un jeune bovin de 18 mois issu d’un croisement salers et charolaise est en ligne ici.
Fabrice Pastre
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