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L'administration tue

L'administration tue

Publié par Armand Heitz le

Nous avons tous parmi nos proches un artisan de la terre. En permanence connecté à ses vaches, à ses champs et à ses clients. Dès qu’il ouvre les yeux, sans temps mort, il a le souci de composer avec la météo. Il est au contact du vivant, chaque changement de température, chaque millimètre de pluie va impacter sa récolte. Cette connexion permanente avec la nature engendre beaucoup de respect de la part de son entourage. Malgré l’acharnement de certains journalistes à vouloir ternir l’image d’une profession nourricière, l’opinion publique est compatissante.

Mais alors, pourquoi les paysans se suicident-ils ?

Article sur le suicide des agriculteurs©Fotolia/Olena Mykhaylova, terre-net.fr, 18 septembre 2019

 

Je me suis installé en tant que jeune vigneron en 2013. Depuis 2019, je fais du maraîchage. Et cette année, je me suis lancé dans l’élevage bovin et ovin. Mon métier est beau car je suis en lien direct vivant mais c’est un combat quotidien avec la paperasse. Nous ne mettons malheureusement pas assez en avant cette problématique qui gangrène notre métier. J’aimerais que nous prenions conscience que ce sont les administrations et les industriels qui ont tué un modèle agricole qui maintenait la vie dans nos campagnes, qui nous permettait d’avoir une alimentation locale, saine et durable.

MSA, DIRECCTE, DRAAF, DDT, DRFIP, FAM, INAO, FNSEA, DREAL, SIQOCERT, France agrimer, Chambre d’agriculture, chambre du commerce, collectivités territoriales. Avez-vous déjà eu à faire à ces administrations ? Souvenez-vous des 12 travaux d’Astérix et Obélix. C’est le quotidien de n’importe quel paysan aujourd’hui. En agronomie, nous n’apprenons plus à travailler avec le vivant ! Nous apprenons à respecter des normes, à produire de façon standardisée afin que ça rentre dans les cases des administrations.

En 1950, l’agriculture faisait travailler 7 millions de personnes et 45% des Français vivaient à la campagne. Aujourd’hui, l’agriculture française fait travailler 750 000 personnes et dépense de plus en plus d’énergie fossile pour produire à rendement équivalent.

Image d'un paysan dans les années 30

© François Kollar/Bibliothèque Forney/Roger-Viollet

 

Ce sont ces administrations qui ont piloté le remembrement de nos campagnes.

Ce sont leurs manœuvres qui ont abouti à la destruction des paysages de bocage.

Ce sont leurs manœuvres qui ont entraîné l’industrialisation des cultures et l’usage de pesticides.

À cause de ces manœuvres, la biodiversité n’a jamais été aussi faible. Chers journalistes, plutôt que d’aller sur le terrain pour dénoncer des pratiques bonnes, meilleures ou mauvaises, pourquoi ne dénoncez-vous pas davantage ce cancer agricole qui tue nos paysans ?

Ces personnes ne sont jamais sur le terrain. Lorsqu’il y a des suivis techniques à faire, ils recrutent des stagiaires pour faire le travail. Ces administrations nous font remplir des formulaires papiers qui ne correspondent jamais à la situation. Il faut ensuite passer plusieurs mois à essayer d’appeler un standard ouvert de 10h à 12h et de 14h à 16h30  pour mettre le formulaire à jour. On tombe souvent sur une personne qui, en plus de ne pas être pas aimable, est rarement d’une grande aide et enlise les procédures. Ces administrations n’ont aucune compétence agronomique ni vision à long terme. Leur seule inquiétude, c’est le respect de leur procédure datant des années 70.

Photo d'une manifestation d'agriculteurs

Nos administrations sont tellement persuadées de leurs bienfaits qu’ils ont toujours une solution. Ils commencent par nous assurer avoir pris conscience de nos problématiques. Cela mène ensuite à la création d’une nouvelle administration. Nous avons donc de nouveaux formulaires à remplir pour recevoir de nouvelles aides. Le problème étant que ce ne sont pas les administrations qui génèrent l’argent distribué mais bien ceux qui en ont besoin.

Plutôt que de nous faire perdre notre temps, plutôt que de créer des administrations inutiles, plutôt que de nous prendre notre argent, ne voudriez-vous pas nous laisser nous débrouiller par nous-même ?  

Arrêtez de nous donner des aides pour investir dans du matériel néfaste pour l’environnement.

Arrêtez de nous forcer à utiliser des semences sur lesquelles vous pouvez prélever un maximum de taxes.

Arrêtez de taxer les salaires à deux fois le montant perçu par le salarié.

 Armand Heitz dans les vignes de Chassagne-Montrachet

Vous nous jugez trop bêtes pour gérer nos exploitations ? C’est pourtant vous qui avez transformé nos fermes en véritables sovkhozes. Proposez-nous de vraies formations en agronomie. Ce n’est que depuis cette année que vous avez compris qu’il n’était pas cohérent qu’un vendeur de pesticides face également du conseil. En tout cas, sur le terrain, cette réforme n’a rien changé !

Ce sont également ces administrations qui divisent la profession. Jamais l’agriculture n’aura été autant standardisée. Chaque prise d’initiative va faire l’objet de suspicions et de non-respect des règles. “Ce n’est pas aux normes.” Combien de fois par jour entendons-nous cette sommation ?

Il est impossible d’envisager s’en prendre à l’une d’elle car toutes les procédures et contrôles que ces administrations pourraient déclencher dans votre ferme la ferait couler instantanément. Si vous ne croyez pas ce que je viens d’écrire, je vous invite à regarder le film réalisé par Édouard Bergeon “Au nom de la terre”. Ce n’est malheureusement pas une fiction. Je serais également ravi de partager une journée avec vous pour faire le tour des administrations ainsi que l’ensemble des dossiers que nous avons en cours à la ferme.


Armand Heitz

 

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