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Magazine RVF reportage Bourgogne

Coup d'épée dans le vin

Publié par Armand Heitz le

Mercredi 17 février, le numéro 648 de la Revue du Vin de France paraissait dans les kiosques, promouvant « la Bourgogne hors des sentiers battus », avec notamment un voyage initiatique au cœur de Chassagne-Montrachet.

Pour tout vigneron, paraître dans un tel média est l’opportunité de mettre en lumière son travail et ses valeurs. C’est également l’opportunité de défendre ses convictions et de mettre en avant ses pratiques plus respectueuses de l’environnement. C’est aussi l’occasion d’éduquer et de transmettre aux amateurs de vins, de les sensibiliser aux enjeux actuels et futurs. C’est une véritable aubaine pour valoriser son savoir-faire, son engagement.

Pour tout lecteur, feuilleter le dernier numéro de sa revue favorite, c’est faire un pas vers de nouveaux paysages. Un pas vers des maisons, des châteaux, des domaines auxquels ils ne prêtaient peut-être pas encore attention. C’est un loisir lui permettant de voyager le temps d’une lecture et s’évader vers des horizons qui, il y a encore quelques mois, nous étaient interdits de franchir. C’est aussi une rencontre avec des visages qui se cachent derrière les vins qu’ils ont dégustés au cours de leur vie, pendant leurs vacances, au cours d’un dîner entre amis.

Le travail des journalistes se situe entre les deux, entre transmission de savoir-faire et curiosité. Un travail important, nécessaire, essentiel. Mais pour certains journalistes, c’en est tout autre. Car tout ça, c’est une vision idéale de la presse et autres médias. Dans la vraie vie, ce n’est pas si rose. Il me semble intéressant de raconter l’envers du décor et d’expliquer comment peuvent se passer parfois les rencontres entre les vignerons et certains journalistes et dégustateurs.

 

Armand Heitz lit la RVF dans les toilettes sèchesDégustation de la RVF dans les toilettes sèches de Loaris

 

Revenons en arrière, pas très loin, le mercredi 25 novembre 2020. En tant que président  de l’appellation Chassagne-Montrachet, je reçois avec plaisir et enthousiasme Roberto Petronio en vue du reportage évoqué plus haut dans la RVF.

Vous arrivez perpétuellement en retard ? Pas de problème, cela est souvent dû à l’excès de générosité et d’hospitalité de nos collègues vignerons.

Vous arrivez accompagné de personnes imprévues en plein covid ? Pas de problème, le partage est ancré dans nos valeurs.

Vous ne portez pas de masque et ne respectez pas les gestes barrières en plein confinement ? Pas de problème, vous avez le droit d’avoir une vision différente des choses.

C’est d’ailleurs pour vos excuses si souvent non présentées que nous vous conduisons toujours dans notre salle de dégustation pour découvrir les cuvées de notre dernier millésime.

Les échanges sont courtois et bienséants tant que nous évoquons les surfaces plantées sur les belles communes qui avoisinent Chassagne-Montrachet. Les commentaires deviennent plus agités lorsque nous discutons des maturités, des types de sols, du sulfitage et de la vinification. À priori, vous en savez plus que tout le monde sur ces points techniques. L’échange devient différent et dérangeant lorsque vous évoquez vos idées reçues et infondées sur notre belle région viticole.

 

“Vous, les vignerons bourguignons, vous avez des problèmes de riches”

 

Oui, la Bourgogne est une région prestigieuse, puisqu’elle regorge de terroirs aux caractères fantastiques et uniques.

En effet, les vignerons bourguignons sont riches, de leur savoir-faire, de leur passion, et de leur amour du vin, qui contribuent au rayonnement mondial du patrimoine français. Mes confrères et moi choyons nos parcelles pour offrir aux amateurs de vins des produits riches en émotions.

 

Les "problèmes de riche" de Roberto Petronio Les problèmes de pauvres de Roberto Petronio

 

En revanche, chers journalistes, nous avons des problématiques, comme tous les vignerons, liées à notre métier et non uniquement des “problèmes de riches” comme vous le dites si bien monsieur Petronio. Des problématiques liées à la satisfaction de nos clients. Des problématiques liées à l’avenir de notre profession, de nos terres et de notre environnement. Des problématiques liées à la transmission, lorsque les familles se brisent sous le poids des contraintes administratives et légales. Des problématiques liées au bon sens. Ce bon sens trop souvent oublié.

Vous vous croyez peut-être précurseur et populiste en véhiculant cette idée de “problèmes de riches” mais lorsque je vous demande de me citer les domaines qui à vos yeux représentent bien la Bourgogne, vous êtes capable de me citer uniquement les domaines stars tel que Roulot, Coche-Dury ou Confuron-Cotetidot. Or, la Bourgogne ne se limite pas à ces domaines qui font rayonner la Bourgogne de la plus belle des manières.

La Bourgogne, c’est environ 3650 vignerons, une surface moyenne de 6,5 hectares par vigneron et un prix de vente moyen de 9,50 € par bouteille. Alors non, tous les vignerons bourguignons n’ont pas des “problèmes de riches” monsieur Petronio. Sinon pourquoi sur le village de Chassagne-Montrachet un vigneron cesserait son activité chaque année ? Nous étions 60 il y a une trentaine d’années, nous ne sommes plus que 30 aujourd’hui.

En tant que journalistes, vous dégustez, commentez, rédigez pour transcrire un récit qui, on l’espère, fera rêver. Mais votre problématique ne serait-elle pas de commencer par écouter les vignerons, essayer de les comprendre, vous intéresser à eux plutôt que de simplement croire, sans réellement savoir ? Continuez ainsi à taper sur les personnes qui vous font vivre et vous n’aurez bientôt plus personne à interviewer. 

Bisou

 

Armand Heitz

 

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