Là où tout prend racine
Publié par Armand Heitz leDans un caveau de dégustation, on parle facilement de pigeage, de date de récolte, d’âge des fûts et en Bourgogne, on déguste les pieds dans la cave avec les yeux rivés sur une carte du vignoble. Oui, le “Climat”, au sens bourguignon, prend justement tout son sens.
En Bourgogne, nous avons la chance d’hériter d’une cartographie du vignoble précise initiée au Moyen Âge par les moines. Le travail à la vigne reposait sur l’observation et des techniques proches de la terre. Le développement économique et industriel nous a éloignés de ce riche travail en lien avec la terre et les éléments naturels. Aujourd’hui, nous luttons pour maintenir cet héritage qui est chamboulé par les nouvelles données climatiques du XXIème siècle.
Revenons au sol. Là où tout prend racine. La Côte de Beaune et la Côte de Nuits sont le résultat de millions d’années de mouvements d’origine tectonique dus au soulèvement du massif alpin et d’origine géologique avec l’érosion naturelle des substrats en surface. La Côte viticole s’étire d’Ouest en Est avec une topographie en forme de S allongé. Pour mieux comprendre cette coupe en biais et ainsi remonter le temps lors la période du Jurassique, ce schéma vaut tous les grands discours :
Le paysage du vignoble de la Côte est marqué par différents facteurs :
- des roches calcaires (calcaires durs et marnes) sur lesquelles les sols ont évolué
- les formations de failles ont créé une diversité des types de sols avec la remontée en surface des formations d’âges de roches différents
- importance des cônes de déjection dans le piémont liés au creusement des combes
- la présence d’alluvions de plaine en pied de versant
- l’érosion des sols en bas de versant en raison des rangs plantés dans le sens de la pente
- la modification des sols par l’homme au fil des siècles
Autant de richesse et de complexité qui offrent de multiples possibilités. Observer la situation topographique de la parcelle et analyser la formation géo-pédologique pour adapter le matériel végétal et les méthodes culturales. Un vaste programme où faire confiance au climat et à la nature serait une porte vers une viticulture “sauvage” (en référence à la philosophie de Masanobu Fukuoka). Attention, n’en faisons pas une caricature de l'incantateur de pluie sur la colline! Ici, “sauvage” implique observation, compréhension, analyse, précision et surtout un travail en lien avec la nature.
Tout commence par le choix du porte-greffe et du cépage. L’Aligoté est un bel exemple d’adaptation aux terroirs plus sensibles au froid. En effet, ce cépage plus tardif résiste naturellement aux potentiels épisodes de gel naturellement. Pas besoin de chaufferettes ou autres moyens humains pour lutter contre la nature.
Les méthodes culturales ont également un grand impact. Labour, traitements et toute intervention dans la parcelle viennent perturber un équilibre naturel. Un végétal, tout comme les espèces animales, s’adapte naturellement à son environnement si on lui donne toutes les chances au départ. Mettre sous perfusion, contraindre, assister ou intervenir, tant d’actions qui fragilisent la vigueur naturelle de la plante.
En Bourgogne, nous avons la chance de connaître nos sols et nous bénéficions de conditions exceptionnelles pour la vigne. Notre responsabilité est d’observer cette Nature si généreuse depuis des siècles pour continuer à nous adapter à elle et non lui imposer un carcan réglementaire figé avec en fond de ligne des enjeux économiques.
Marie-Pierre Dardouillet / Agence Cépages Communication
Sources :
https://vinepair.com/articles/illustrated-guide-wine-soils/La révolution d’un seul brin de paille, Masanobu Fukuoka
- Tags: bourgogne, vigne & vin