Travailler avec les plantes bio-indicatrices
Publié par Armand Heitz leProduire de grands vins nécessite la prise en compte de nombreux paramètres dans les vignes et en cave. Le travail du sol est un de ces paramètres. Au domaine, nous y attachons une importance toute particulière pour ramener de la vie et de la biodiversité dans nos vignes.
Comme chaque terroir a ses particularités, chaque sol doit être travailler et entretenu différemment. Pour réaliser ce travail, une analyse des sols est donc primordiale. Au cours des derniers mois, nous avons travaillé pour identifier quelles solutions non conventionnelles nous pourrions mettre en place afin d’améliorer la biodiversité et la fertilité de nos sols et ainsi améliorer la vie de nos vignes.
Après une grosse recherche bibliographique, nous avons décidé de réaliser des analyses basées sur l’étude des plantes bio-indicatrice.
Les plantes bio indicatrices
Les plantes germent et poussent uniquement lorsque certains facteurs essentiels et très particuliers sont réunis dans un système. Si ceux-ci ne sont pas réunis, la graine ne germe pas. C'est ce qu'on appelle le phénomène de dormance. Si au contraire tous les facteurs sont réunis, la plante se développe. C’est la germination.
Ainsi pour pouvoir analyser un sol selon la méthode des plantes bio-indicatrices, il est important d’identifier toutes les plantes qui occupent le sol. Grâce aux paramètres de germination connus des plantes présentes, nous pouvons déterminer les facteurs prédominants de la parcelle.
Pour réaliser cette analyse, le Fascicule des conditions de levée de dormance des plantes bio-indicatrices de Gérard Ducerf est un très bel outil. En réunissant le taux de recouvrement de chaque espèce sur une parcelle donnée, et en connaissant les paramètres de germination de chacune, nous obtenons les caractéristiques du sol.
En d’autres termes, nous cherchons à savoir quelles plantes sont présentes, dans quelle proportion, et sur quel type de sol poussent ces plantes afin d'en tirer les principales caractéristiques de ce dernier.
Ce travail d’analyse sera par la suite utilisé pour adapter le travail dans les vignes en fonction de chaque parcelle, c’est-à-dire choisir la manière de travailler le sol, choisir les bons enherbements, effectuer les bons traitements, ajouter ou non du mulch, etc.
Le Clos des Poutures
Si l’on prend l’exemple de notre parcelle de Pommard 1er Cru Clos des Poutures, plusieurs espèces ont été identifiées comme notamment le pâturin des prés, le ray-grass anglais, l’orge de rats ou encore le liseron des champs.
À partir de ces identifications, nous savons que le sol est riche en bases actives (potassium, magnésium, calcium) avec un pH compris environ entre 5,5 en 6,5 ; qu'il est riche en matière organique et qu’il possède une bonne activité microbienne aérobie, c’est-à-dire une bonne minéralisation des matières organiques. Ce qui est recherché en agriculture.
Cette analyse servira de base pour le choix des travaux qui restent à définir. Elle sera également une base afin de voir l'évolution au fur et à mesure des millésimes.
Et Loaris, plutôt bon élève ?
À Loaris, où le même travail d'analyse a été réalisé, plusieurs plantes sont identifiées comme notamment le trèfle blanc, la renoncule et le géranium disséqué. Dit comme ça, cela n’apporte pas grand-chose mais lorsque l’on sait que ces plantes sont synonymes de richesse en bases actives (potassium, magnésium, calcium), de richesse en matière organique, mais également de sol asphyxié, tassé et à très faible pouvoir de rétention en eau (sol très sec, dit « brulant »), cela permet d’analyser le travail déjà fait et de savoir où aller.
En effet, la richesse en matière organique est une très bonne chose pour la production de fruits et de légumes et cette richesse est en partie due à l’apport en compost réalisé depuis le début du projet Loaris. Quant au faible pouvoir de rétention d’eau, cela est plus dû à la nature même du sol qu’au travail effectué. C’est pourquoi la présence paillage sur l’ensemble de nos planches de cultures est essentielle. Celui-ci va permettre de conserver eau et fraîcheur lors des périodes de grande sécheresse.
Que faut-il en retenir ?
La nature est passionnante, belle, et peut produire tout ce dont nous avons besoin. Il suffit d'apprendre en la regardant, et de savoir l'accompagner. C'est ce vers quoi nous tendons au domaine, et ce que nous faisons chaque jour, dans les vignes, à la ferme et dans notre jardin en permaculture.
Finalement, si nous devions retenir une seule chose, cela serait de faire preuve de bon sens agronomique dans tout ce que nous entreprenons avec la nature. L'objectif à long terme est d’assurer pérennité des sols et des plantes en agissant sur les causes et non sur les conséquences, comme cela peut beaucoup se faire dans l’agriculture moderne.
Gustavo Gomes x Léo Plassard
Source : fascicule des conditions de levée de dormance des plantes bio-indicatrices (Gérard Ducerf, éditions promonature)
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