Le panier
Armand Heitz allongé dans sa parcelle de Chassagne-Montrachet 1er cru Maltroie

Chimie ou machinisme

Publié par Armand Heitz le

Les différents modes de cultures des vignes en AOC françaises nous obligent à gérer chimiquement ou mécaniquement la flore adventive qui se développe sous les pieds de vigne et entre les rangs. Nombreux sont ceux qui pensent que le labour est vertueux et que le glyphosate est destructeur. C’est louable car le gouvernement et les industriels communiquent énormément en ce sens, mais qu’en est-il d’un point de vue agronomique ?

Photo d'une forêt vue de drone valeur agronomique

Chaque passage de charrue entraîne une minéralisation de la matière organique. Cette minéralisation a pour conséquence de faire baisser à chaque labour la teneur en matière organique. Il y a quelques décennies, nos sols avaient tous entre 2% et 3%  de matière organique. En dix années de labour, il est possible de faire baisser ce taux à 1%. Cette baisse de matière organique va entraîner :

  • un affaiblissement de la capacité d’échange cationique (c’est le garde manger en éléments minéraux du sols)
  • un affaiblissement de la symbiose carbone / azote
  • un affaiblissement des réseaux mycéliens
  • un affaiblissement de la capacité du sol à retenir l’eau
  • un affaiblissement de sa structure

Bref le sol meurt, s’érode, et les rendements chutent. L’agriculteur n’a pas d’autre choix que d’utiliser davantage d’engrais. Un sol nu est un sol mort. “Le sol, c’est comme une maison. La charrue est un bulldozer et le glyphosate une pluie acide”. Les agronomes Lucien Séguy et Konrad Schreiber utilisent souvent cette métaphore que j’aime beaucoup.

La charrue détruit l’habitat, les premiers centimètres de sol ont une organisation précise qu’il ne faut pas perturber. Dans les premiers horizons, nous avons les bactéries aérobies et anaérobies. La charrue va inverser cette organisation et faire mourir toute la biomasse du sol.

sol mort épuisé par le labour

Le glyphosate va détruire l’herbe sans inverser les horizons. L’empilement des différentes strates ne sera pas bouleversé. Le docteur Thierry Tétu a démontré scientifiquement pendant 8 ans que le glyphosate ne nuisait pas à la vie du sol contrairement aux engrais et au labour.

Glyphosate ou labour, c’est un peu comme hésiter entre antibiotique ou anti-inflammatoire. Les deux sont une création humaine pour rééquilibrer un désordre amené par l’homme. Ni l’un ni l’autre n’est pérenne. Ni l’un ni l’autre n’est vertueux.

La question n’est pas de se demander si le labour est mieux que le désherbage chimique. Il faudrait plutôt se demander comment changer de mode de conduite afin de pouvoir se passer de l’un comme de l’autre. Prétendre que le machinisme est plus vertueux que la chimie est aussi naïf que prétendre que la voiture électrique va lutter contre le réchauffement climatique.

« Plus un homme travaille dur pour rééquilibrer un système cultural, moins celui-ci est viable »

Masanobu Fukuoka, La révolution d’un seul brin de paille

 

Personne ne peut nier les problèmes de gaz à effet de serre. C’est ce qui détruit à court terme le plus de biomasse. Au domaine, nous cherchons quotidiennement à limiter notre impact carbone. En pratique, un passage en désherbage chimique permet d’éviter un à trois passages en mécanique. Or, d’après une étude menée par l’IFV à Saint-Émilion, le bilan carbone d’un passage chimique est de 60 kg CO2/ha contre 55 kg CO2/ha pour un labour. L’impact carbone d’un itinéraire labour est donc au moins le double de celui d’un itinéraire chimique.

Nos cahiers des charges n’évoluent malheureusement pas aussi vite que le climat. Voici les différents axes que j’ai décidé de développer au domaine.

Enherbement dans les vignes de Pommard domaine Armand Heitz Bourgogne

Tout d’abord, nous avons mis à la poubelle tous les catalogues d’industriels de la chimie ou du machinisme. Nous feuilletons le catalogue de la nature : vesce, luzerne, radis, seigle, cameline, chanvre, avoine, sorgho, trèfle, ray-grass, tournesol, lotier, moha, sarrasin, avoine, moutarde, navette, seigle. Toutes ces espèces ont leurs caractéristiques, nous les étudions et sélectionnons selon nos besoins et les différents sols. Nos expérimentations sur les mulchs et enherbements ont été extrêmement bénéfiques pour la santé et la vie organique de nos sols. Ce travail minutieux porte ses fruits, nous souhaitons l’étendre et le poursuivre.

Par ailleurs, il est nécessaire aujourd’hui de faire évoluer son mode de conduite. Bien que la Bourgogne soit réputée pour son chardonnay et son pinot noir, j’ai décidé de planter tous les cépages que le cahier des charges autorise : aligoté, melon de Bourgogne, pinot blanc, pinot gris, gamay. J’ai également choisi de déclasser une parcelle afin d’y planter un cépage plus résistant : le souvignier gris. Enfin, avant que la Bourgogne n’interdise la plantation de cépages hors cahier des charges, j’ai pu également planter à Corpeau une parcelle de sauvignon blanc, non loin de Chassagne-Montrachet. Le but et la méthode sont toujours les mêmes : diversifier, observer et s’adapter.

Vignes Armand Heitz à Corpeau arbre et paillage
Bref, entre glyphosate ou labour, je vous laisse choisir si vous préférez d’abord mourir du réchauffement climatique ou attendre d’avoir un cancer. Quand nos dirigeants auront compris cela, peut-être que la politique agricole commune s’adaptera.

 

Armand Heitz

 

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