Le bien-être animal ? Mon cul c'est du poulet
Publié par Armand Heitz leJe suis paysan ! Après avoir redonné vie au domaine familial qui n’avait pas été exploité pendant deux générations, j’ai repris une ferme en polyculture élevage. Je produis des céréales qui servent à nourrir mes animaux. Le fumier des animaux permet de fertiliser mes cultures. C’est un modèle autonome et vertueux qui a fait ses preuves pendant des milliers d’années.
En ce moment, il est rare de passer une journée sans entendre parler des modes suivantes : réduire notre consommation de viande, véganisme, souveraineté alimentaire, bien-être animal, Brigitte Bardot, fausse viande…. Est-ce que ces modes ont un impact réel sur les animaux ou est-ce un moyen d’attirer la lumière des projecteurs et au passage se faire de l’argent ?
Tout d’abord, chers consommateurs, sachez que vous êtes d’infâmes sexistes ! En France, seules les vaches ont l’honneur de s’inviter à nos tables. Pourquoi un tel sexisme ? Bien que des études scientifiques prouvent le contraire, la viande des femelles est dans la tête de beaucoup d’acheteurs plus tendres que celles des mâles. La valeur économique des mâles sur les marchés est donc moindre.
Pourtant, les études sont unanimes : la mastication est une étape primordiale dans notre digestion. Pouvez-vous alors m’expliquer pourquoi nous préférons que ce soit les industries agro-alimentaires qui mâchent les aliments à notre place ? La nature étant bien faite, une vache donne naissance à autant de mâles que de femelles. Quand ils ont de la chance, les mâles sont castrés. Tel des eunuques, l’éleveur va les engraisser afin d’obtenir un persillage plus important afin que les mandibules des consommateurs ne se donnent pas trop de mal. Malheureusement, la prise de gras est aléatoire. Résultat : ce sont 800 000 mâles par an qui sont exportés en Italie pour y être engraissés à moindre coût.
Lorsque l’on parle bien-être animal, il y a un sujet qui est très peu évoqué mais qui pourtant à de quoi retenir notre attention. Il s’agit de l’abattage rituel qui permet de distribuer des viandes halal ou casher. Pour ces deux procédés, les animaux sont égorgés vivants sans étourdissement. Nous sommes nombreux à avoir vu le film Temple Grandin qui a permis de faire un pas de géant en terme de bien-être animal. La France a rendu obligatoire l’étourdissement des animaux depuis 1964, or halal et casher l’interdisent. Pendant plusieurs minutes, les animaux agonisent la gorge tranchée, pendant que d’autres, témoins de la scène attendent leur tour. Entre l’égorgement et la perte de réaction cérébrale, plusieurs dizaines de secondes peuvent s’écouler : une période d’angoisse, de peur, de stress et surtout de douleur extrême qui donnent de surcroît une viande de mauvaise qualité.
Halal et casher sont des méthodes d’abattage qui ont eu réellement du sens lorsqu’elles étaient liées aux territoires et dans les conditions d’hygiène de l’époque. Appliquer des dérivées d’interprétations religieuses dans des abattoirs aseptisés et industriels est d’une incohérence scandaleuse. La prochaine fois que vous subirez une opération, demandez à ne pas être anesthésié histoire d’avoir une idée du bien-être que cela procure.
Un autre débat me vaut de nombreuses prises de becs avec mes clients ou prospects. Dans une vache, il n’y a pas que du filet et des côtes ! Ce sont les morceaux les plus tendres certes, mais pouvez-vous me dire quel est le co***rd qui a décrété que la qualité d’un morceau était liée à sa tendreté ? Où est le respect de l’animal à ne mettre en marché qu’une infime partie de sa viande ? Cette restriction de mise en marché des morceaux conduit forcément à abattre davantage d’animaux. Si les bouchers et les restaurateurs faisaient leur travail de mise en avant et d’éducation sur les différents morceaux de l’animal, nous pourrions réduire très facilement les troupeaux. Au lieu de ça, les professionnels préfèrent vendre ce que le client demande. Comme les clients n’y connaissent rien, ils achètent du filet et des côtes.
Parler, c’est bien, agir c’est mieux ! Le premier levier que j’ai décidé d’actionner en reprenant la ferme a donc été de commercialiser des jeunes mâles non castrés afin qu’ils ne soient pas déportés en Italie. Pour aller jusqu’au bout de la philosophie, j’ai également pris la décision d’opérer un jeune mâle qui souffrait d’une éventration. Une éventration, c’est lorsque la paroi de l’abdomen se déchire et les intestins sont retenus par la peau du ventre. C’est bénin et sans risque d’altération de la qualité de la viande. Malheureusement, le coût de l’opération est trop important par rapport au prix de l’animal. La logique économique aurait donc été d’incinérer ce jeune bovin. Hé oui ! En France, il vaut mieux égorger sauvagement des animaux stressés que de sauver un jeune mâle blessé.
C’est un acte militant qui je l’espère va vous ouvrir les yeux sur la réalité du bien-être animal. J’ai également choisi de ne pas travailler avec un client qui souhaitait que nos animaux suivent un abattage rituel. Enfin, le domaine a le privilège de pouvoir valoriser la totalité de l’animal grâce à Globe Traiteurs, un professionnel qui fait le travail de mise en avant des morceaux moins connus du grand public. La Rôtisserie du Chambertin, Le Bistrot à Chalon-sur-Saône ou encore le Cèdre à Beaune sont d’autres partenaires restaurateurs que je peux citer.
Cher consommateur, que préférez-vous : retrouver de la mâche, redonner vie à votre flore intestinale et redécouvrir le vrai goût de la viande ou alors continuez de détruire la nature et vos systèmes digestifs en achetant de la fausse viande ou des produits alternatifs faciles à mastiquer ?
Avant de vouloir révolutionner le bien-être animal avec des alternatives non vertueuses, nous devrions nous contenter de ne pas faire n’importe quoi et les choses iront tout de suite beaucoup mieux.
Armand Heitz
Photos @jibpeter