Les courges
Publié par Armand Heitz leRouge vif d’Étampes, Butternut, Bleu de Hongrie, Sweet dumpling, Galeuse d’Eysines, Musquée de Provence, Sucrine du Berry et Futsu Black : une drôle de colonie s’est implantée à Loaris pour l’automne. Des joufflues, des charnues, à grand cou, des verdâtres, rieuses, une belle galerie de cette branche de la famille des Cucurbitacées, genre Cucurbita, que l’on nomme communément : Courges.
Il y a longtemps, avant qu’on ne les évide afin d’en faire des lanternes pour fêter Halloween, bien avant que le carrosse de Cendrillon ne se transforme en citrouille, avant même que Christophe Colomb ne les rapporte du Nouveau Monde, on trouve des graines de courges sauvages dans... des crottes de mammouth. Ces animaux géants qui ont côtoyé l’humain avant qu’il ne se lance dans l’agriculture se sont donc nourris de formes sauvages, extrêmement amères, que nous n’aurions pu supporter. Il y a environ 10 000 ans, alors que cette mégafaune disparaissait, l’humain quitte progressivement son job de chasseur-cueilleur et se met à cultiver le monde végétal en se sédentarisant. Les courges font partie de l’aventure, et en sélectionnant des fruits moins amers et plus charnus, les premiers agriculteurs ont patiemment obtenu des courges comestibles.
Ainsi, lorsque le 3 décembre 1492 il accoste à la pointe orientale de l’île de Cuba, la première chose qu’aperçoit Christophe Colomb, ce sont des champs de calabazas. Ces courges, déjà d’une grande variété, sont un symbole d’abondance et de prospérité chez les Peaux Rouges du Nouveau Mexique, les Aztèques, les Incas. On en trouve des graines dans les tombes précolombiennes. Elles servent à l’alimentation, à des fins médicinales ou décoratives.
Implantées en Europe les courges s’immiscent beaucoup plus vite que les tomates ou les piments dans la cuisine et le cœur des foodistas. Et le succès ne s’arrête plus, le genre Cucurbita continue de se diversifier au fil des siècles. Aujourd’hui les variétés les plus consommées appartiennent aux types Cucurbita Maxima (les potirons) et C. Moschata (Butternut) qui possèdent de meilleures qualités nutritionnelles.
Elles sont peu caloriques, bonne source de vitamine A, de vitamines du groupe B, riches en fibres et antioxydants. Le fer qu’elles contiennent est bien assimilé par l’organisme grâce à la vitamine C qu’elle contiennent également. Et surtout, elles sont extrêmement malléables en cuisine. En gratin, en soupes et curry, farcies, rôties, étuvées, incorporées aux galettes, au risotto, en gnocchis et raviolis. Même elles remplacent avantageusement le beurre dans le fondant au chocolat, et on en fait des confitures.
Hyper sociables, on les marie facilement aux fromages : gorgonzola (sur une pizza !), mozzarella, fêta – à des épices : muscade, curry, cumin – à des fruits secs : noix, noisettes, pignons, et aussi : pancetta grillée, lardons, petits oignons... Une seule règle peut-être, les choisir avec une peau sans accroc (et l’on pourra les conserver longuement), veiller à ne pas les cuire trop longtemps, ça va plus vite qu’on ne le croit. Et n’oubliez pas les graines de courges (de citrouille précisément, genre C. pepo), riches en protéines, en fer et bons acides gras.
D’autre part, on aurait tort de penser qu’elles se ressemblent toutes. Le potimarron, dont la chair plus dense et peu sucrée se pare d’un orange doré presque verdissant auquel aucun code Pantone ne saurait rendre grâce. La Sweet Dumpling, ou Patidou, révèle une chair plus jaune, de fins arômes d’amande, de noisette, de châtaigne. La Galeuse d’Eysines, qui se protège des agressions en se couvrant d’excroissances, cache une nature tendre, meilleure en soupes et en gratins. Elles ont gardé tout le soleil d’été, nous le rendent lorsque les jours baissent, que l’air froidit. Les courges sont, avec les feux de cheminée et le Père Noël, ce qui rend l’automne et l’hiver si chaleureux. D’ailleurs, le très célèbre Hercule Poirot, perspicace détective sous la plume d’Agatha Christie, n’envisage-t-il pas de ne prendre sa retraite que pour se consacrer à la culture des potirons ?
Retrouvez la sélection des courges de Loaris en vente directe au Cellier à Pommard.
Blandine Bacconnet
Sources :
Histoires de légumes, Michel Pitrat et Claude Foury, Éditions INRA, 2003
Le jardin sur la table, Michel Lis, Éditions Actes Sud, 1987
Une histoire de courges et de mammouths
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